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Stages : pourquoi j’ai pas l’impression que j’abuse

Par Stéphane Billiet, Président de We agency, Administrateur de Syntec RP qui vient de publier "Communication" (Dunod)

Par Stéphane Billiet,
Président de We agency, Administrateur de Syntec RP qui vient de publier  "Communication" (Dunod)

La larme à l’œil, Léa est passée vendredi me dire au revoir et me remercier pour les six mois passés à l’agence. Venue de Marseille, elle avait fini son stage au pôle Evénementiel. Manifestement émue, elle m’a dit avoir beaucoup appris. Robin, au pôle Lifestyle, m’a assuré que son stage avait été très formateur. Les deux m’ont dit qu’ils donneraient des nouvelles, promis. Hasard du calendrier, la fin de leur stage coïncide avec le premier anniversaire de la publication au Journal Officiel de la loi n° 2014-788 du 10 juillet 2014 « tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires ».
 
Léa, Robin et les autres se retrouvent-ils dans les revendications du collectif « Génération précaire » lancé en 2005, auquel la loi fait écho ? Sans doute, et je suis d’accord avec eux. Mieux indemniser les stagiaires ? Ça me semble normal. Encadrer le recours aux stagiaires ? Pourquoi pas puisque certaines entreprises semblent en faire un usage abusif. Des abus, il y en a évidemment. Légiférer pour les éviter ? Oui, d’accord, mais pourquoi loger tout le monde à la même enseigne ?
 
L’ensemble des dispositions légales qui ont été votées sont aujourd’hui appliquées à l’exception d’une seule : l’instauration d’un quota de stagiaires par entreprise. Le Conseil d’Etat qui doit se prononcer dans les semaines à venir, entérinera-t-il le quota de 10% évoqué jusqu’ici ou fera-t-il preuve de plus de bon sens ?
 
Les agences, même de petites tailles, sont de formidables structures de formation. Outre les missions qui leur sont confiées, beaucoup de patrons d’agence consacrent une partie de leur temps à transmettre leur métier, à enseigner, à publier, à témoigner de leur quotidien professionnel dans des conférences. Alors, quel est le problème ? Qu’ils remplacent leurs collaborateurs par des stagiaires ? Pour ma part, je ne prendrais pas ce risque, bien trop soucieux de fidéliser mes clients !
 
A l’agence, en moyenne, on accueille plus de stagiaires que la loi ne l’autoriserait demain. Tout au long de l’année, chaque équipe, ou presque, a son stagiaire. Intégrés, formés, ils acquièrent en six mois une expérience professionnalisante. Pris en charge, mis en confiance, ils développent vite des réflexes, des méthodes, des savoir-faire. Les stagiaires sont une main d’œuvre bon marché, c’est vrai. Mais comment les former sans leur donner la possibilité de « se faire la main », en conditions réelles ? L’expérience ne se transmet pas, elle s’acquiert par la pratique et le transfert de compétences. Un peu comme les Compagnons du tour de France le font avec leurs apprentis, les équipes transmettent leur métier aux stagiaires. C’est gratifiant parce qu’on a réellement à cœur de donner autant qu’on reçoit.
 
Sur un marché aussi étroit que le chas d’une aiguille, le stage est quasiment le seul accès à l’emploi pour nombre de jeunes qui veulent débuter leur carrière par une expérience en agence. Comme la plupart de mes collaborateurs et la grande majorité de mes confrères, j’ai moi-même débuté par un stage.
 
Plus que l’alternance, coûteuse et contraignante, le stage est une formule bien adaptée aux petites structures qui n’ont le plus souvent pas les moyens de prendre en charge le coût des études et ne peuvent prendre le risque de s’engager sur un an ou deux avec un jeune. Réprimer les entreprises déviantes ne doit pas conduire à faire du stage une denrée rare.
 
Peut-être plus encore que pour les agences, un quota trop restrictif serait contreproductif pour les étudiants eux-mêmes. Le risque est grand que le nombre exponentiel d’étudiants en communication qui cherchent des stages chaque année, n’en trouvent plus assez à cause de la loi et ne puissent, de fait, valider leur diplôme, puisque le stage est obligatoire. Sans parler du règne du piston – déjà bien trop à l’œuvre ! – qui frapperait les jeunes privés de réseaux et de passe-droits. Le stage est un facteur de mobilité sociale, il le serait sans doute beaucoup moins si le nombre de stages offerts aux étudiants se réduisait. Et puis, enfin, ce serait dommage de porter un coup fatal aux passerelles que le stage représente pour les étudiants de marketing, d’histoire, de sociologie, de philosophie, etc. qui intègrent le monde des RP grâce à leur stage en agence. Le stage est parfois un moyen bien utile pour se réorienter, ce qui se révèle difficile, voire impossible, en cours de carrière.
 
J’espère que le Conseil d’Etat – dans sa grande sagesse ! – saura se prononcer en faveur d’un cadre protecteur pour les stagiaires sans punir tout le monde car, si j’en crois Léa et Robin,  le stage peut être un contrat moral gagnant-gagnant.

 Stéphane Billiet